« Patrimoine sacré d’Andritsaina »
La collection musicale de Constantin Agathophron Nicopoulo à la bibliothèque d’Andritsaina et la vision musicale d’une société future.
L’amour de Nicolopoulo pour la musique, associé à sa soif de savoir et à sa passion pour les livres, ainsi que son combat pour la liberté de sa patrie, constituent les caractéristiques fondamentales d’un compositeur intellectuel grec de la période de la Révolution. Malgré le manque d’argent, Nicolopoulo a consacré toute sa vie à la constitution d’une bibliothèque précieuse et rare qu’il a offerte, en 1839, à Andritsena, la ville natale de son père, qu’il rêvait de transformer en centre culturel.
Les titres des livres que Nicolopoulo collectionnait depuis longtemps pour constituer une grande bibliothèque publique dans la Grèce libérée représentaient la vision du futur donateur quant au type de livres de chaque catégorie qui allaient couvrir les besoins éducatifs principaux et immédiats du nouvel État en cours de constitution. La plupart des livres de la collection portent une annotation manuscrite de Nicolopoulo lui-même : «Patrimoine sacré d’Andritsaina. Don de Agathophron Nicolopoulo». Il ne s’y était jamais rendu. Il avait l’intention de déménager à Andritsena après l’acheminement de sa bibliothèque depuis Paris, mais alors qu’il emballait certains livres, il se blessa à la main avec un clou, contracta une infection et mourut.
La collection particulièrement précieuse de livres de musique et de partitions que Nicolopoulo envoya à Andritsaina (même si elle ne représente probablement qu’une partie du volume total du matériel qui serait arrivé dans la ville arcadienne si Nicolopoulo avait eu le temps de terminer l’envoi de sa bibliothèque) recèle tout un univers musical, un monde composé de compositions de Nicolopoulo mais aussi d’autres compositeurs, qui devaient constituer l’univers musical du compositeur intellectuel grec. Un univers musical européen qui allait être transféré dans le petit village du Péloponnèse. Ainsi, parmi les compositions imprimées et manuscrites de Nicolopoulo lui-même conservées à la bibliothèque d’Andritsaina, on trouve des œuvres de Mozart et Rossini, Gluck, Haydn, mais aussi Cimarosa, Martini, Méhul, Cherubini, Paër, Zingarelli.

Les enregistrements des chants révolutionnaires de Marseillaise et Ça ira !, réalisés par le compositeur grec, revêtent une importance particulière. Ils constituent un autre exemple de son action révolutionnaire et rappellent, entre autres, l’admiration particulière qu’il vouait à Rigas Velestinlis, qui fut le premier à utiliser des chants révolutionnaires français dans la lutte pour l’indépendance grecque, mais aussi les enregistrements de chants populaires à un moment particulièrement précoce de l’histoire (l’intérêt pour ce genre musical s’étant développé plus tard dans toute l’Europe).

Les ouvrages de théorie musicale de la collection ont également une valeur particulière. Ils comprennent les principaux textes grecs anciens sur la musique (tels que les études de Claudius Ptolemy et Sextus Empiricus), ainsi que les ouvrages théoriques et esthétiques les plus importants sur la musique du siècle des Lumières, tels que le Dictionnaire de musique de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778) et le célèbre Entretiens sur l’État de la musique grecque de l’abbé Barthélemy (1716-1795). L’étude de Raphael Georg Kiesewetter (1773-1850), Über die Musik der neueren Griechen, nebst freien Gedanken über altaegyptische und altgriechische Musik (Sur la musique des Grecs modernes, accompagnée de réflexions éparses sur la musique égyptienne et grecque antiques), qui ne fut publiée qu’en 1838, soit quelques années avant la mort de Nicolopoulo.
Dans le même esprit de suivi de la bibliographie contemporaine s’inscrivent les notes de Niolopoulo sur la théorie musicale qui reprennent les Principes de mélodie et d’harmonie, déduits de la théorie des vibrations de 1834 de François Ange Alexandre Blein (1767-1845).




