Né à Smyrne, mais originaire d’Andritsaina, Constantin Agathophron Nicolopoulo (1786-1841) était un intellectuel polyvalent et polyglotte, archéologue et collaborateur du magazine Hermès le Savant, auteur de textes révolutionnaires (sur le modèle de Rigas Velestinlis), cofondateur de sociétés révolutionnaires et ami du grand érudit grec Adamantios Coray (1748-1833). En 1807, un an après s’être installé à Paris, il commença à enseigner le grec ancien, intégrant des éléments musicaux dans ses cours, et se mit à composer des œuvres musicales. Il se consacra bientôt à la préparation de la révolution grecque, tant par son action politique que musicale.
Parmi ses œuvres les plus connues, on trouve des chansons et des airs écrites dans le style français de l’époque, des compositions religieuses et des harmonisations de chants liturgiques, des mélodies sur des textes grecs anciens, mais aussi de nombreuses compositions patriotiques et hymnes. Il convient de noter son intérêt particulièrement précoce pour l’enregistrement de mélodies, c’est-à-dire de chants populaires ou de style populaire, de chansons urbaines et de mélodies de style ottoman. Cependant, ce qui pourrait lui valoir le titre de premier compositeur «national» grec était son idée de combiner organiquement la prosodie de la langue grecque avec le rythme de la musique, c’est-à-dire de laisser la langue grecque elle-même façonner un style musical qui lui convienne. La preuve en est les mélodies conservées de la poésie grecque antique.
Bien que Nicolopoulo ait dû suivre ses premiers cours de musique avant de se rendre à Paris, c’est dans la capitale française qu’il a été l’élève du célèbre musicologue, pédagogue et compositeur belge François-Joseph Fétis (1784-1871).

Fétis, diplômé puis professeur et bibliothécaire au Conservatoire de Paris et premier directeur du Conservatoire de Bruxelles, fut également le fondateur et le rédacteur en chef de la Revue Musicale (1827-1834). Dans cette revue, mais aussi dans de nombreuses autres publications et éditions autonomes, Fétis rédigeait des textes vulgarisés sur l’histoire et la théorie de la musique, l’organologie et la pédagogie musicale, grâce auxquels il revendique le titre de l’un des premiers musicologues. Ses livres, conservés depuis 1872 à la Bibliothèque royale de Bruxelles (Fonds François-Joseph Fétis • KBR) comptent environ 8.000 titres, dont la plupart sont consacrés à la musique, et comprennent également environ 5.500 partitions manuscrites et imprimées. Parmi les ouvrages importants de Fétis sur la musique, on peut citer La musique mise à la portée de tout le monde (1830) et la Biographie universelle de Musiciens (1841, avec de nombreuses rééditions). Dans ce dernier ouvrage, Fétis avait consacré une entrée à son élève grec :
Amateur passionné de musique, M. Nicolopoulo a reçu de l’auteur de cette Biographie universelle des musiciens des leçons de composition. On a de ce savant beaucoup de morceaux de littérature, de philologie et de poésie grecque, publiés séparément ou insérés dans les journaux littéraires et scientifiques. Il a été l’éditeur de l’Introduction à la théorie et à la pratique de la musique ecclésiastique (Εἰσαγωγὴ εἰς τὸ θεωρητικὸν καὶ πρακτικὸν τῆς ἐκκλησιαστικῆς μουσικῆς) de Chrysanthe de Madyte […] et des Doxastika, recueil d’hymnes notées de l’Église grecque , recueillies et mises en ordre par Grégoire Lampadarios […] Paris, 1821, 1 vol. in-8o. M. Nicolopoulo prépare une édition du Traité de musique d’Aristoxène , avec une traduction française et un commentaire. Comme compositeur il a publié : 1o Chant religieux des Grecs, avec accompagnement de piano, Paris, Janet et Cotelle. 2 o Domine salvum fac populum græcum, idem, ibid., 3o Celse terrarum moderator orbis, ode saphique id., ibid. 4 o Le chant du jeune Grec, ibid. 5o Plusieurs romances, ibid. Il a en manuscrit beaucoup de morceaux de musique réligieuse, de chœurs, etc.

Les documents conservés de Nicolopoulo nous permettent de conclure facilement à son intérêt pour l’étude approfondie de la musique. En tant que véritable enfant de l’époque des Lumières, Nicolopoulo ne pouvait manquer d’inclure dans sa collection le célèbre Dictionnaire de musique de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), véritable condensé des connaissances musicales de l’époque de l’auteur, mais aussi le tout aussi célèbre Entretiens sur l’État de la musique grecque de l’abbé Barthélemy (1716-1795), qui pourrait être qualifié de roman historique sur la musique grecque antique s’il ne s’agissait pas, en réalité, d’un appel allégorique à la renaissance morale de la musique de l’époque de l’auteur. Les notes de Nicolopoulo sur la théorie de la musique, qui reprennent les Principes de mélodie et d’harmonie, déduits de la théorie des vibrations de 1834 de François Ange Alexandre Blein (1767-1845) constituent une preuve supplémentaire de la curiosité intellectuelle et de l’esprit de recherche de Nicolopoulo.
Il convient de noter son intérêt particulièrement précoce pour l’enregistrement de mélodies représentant la mosaïque colorée de la musique «de l’Orient grec», c’est-à-dire des airs populaires ou d’inspiration populaire, des chansons urbaines et des mélodies de style ottoman, un intérêt qui allait de pair avec le souci de créer une collection particulièrement riche d’œuvres de musique de chambre inspirées de l’opéra (qu’il a lui-même conservé et relié en volumes), dessinent une personnalité aux multiples facettes qui, à travers le don de sa bibliothèque à Andritsaina, aspirait à faire du bien à sa région en donnant un exemple lumineux pour l’avenir de la Grèce.



